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Un projet de loi prévoyant une « aide à mourir » sous « conditions strictes » en France prévu pour avril, annonce Emmanuel Macron

Après de longs mois de réflexion et plusieurs reports, Emmanuel Macron a annoncé, dimanche 10 mars dans un entretien accordé à Libération et à La Croix, qu’un projet de loi ouvrant une « aide à mourir » sous « conditions strictes » serait présenté en avril en conseil des ministres, en vue d’une première lecture en mai à l’Assemblée nationale.
Il s’agit, plaide-t-il, d’une loi « nécessaire parce qu’il y a des cas qu’on ne peut pas accepter humainement », mais aussi d’une « loi de rassemblement », « de fraternité », « qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation ». « Avec ce texte, on regarde la mort en face », dit-il.
Le processus parlementaire s’annonce long et l’aboutissement n’interviendra probablement pas avant 2025. Dans un message sur X, Yaël Braun-Pivet explique qu’elle « veillera à ce que les débats à l’Assemblée nationale se déroulent dignement, dans le respect des convictions de chacun ».
Les patients majeurs, « capables d’un discernement plein et entier », atteints d’une « maladie incurable » avec un « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » et subissant des souffrances « réfractaires » (ne pouvant être soulagées) pourront « demander à pouvoir être aidés afin de mourir », a précisé le chef de l’Etat aux deux quotidiens. Les mineurs et les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, en seront donc exclus.
En cas d’avis collégial favorable de l’équipe médicale, une substance létale sera prescrite à la personne, qu’elle pourra s’administrer elle-même, ou avec l’aide d’un tiers si elle « n’est pas en mesure d’y procéder physiquement ».
Ce tiers pourra être « une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle », ou bien « le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne », selon le texte qui doit être transmis d’ici à dix jours au Conseil d’Etat. L’administration peut avoir lieu au domicile, à l’Ehpad ou dans un établissement de soins.
Après la demande du patient, « il y a un minimum de deux jours d’attente pour tester la solidité de la détermination », explique Emmanuel Macron. « Ensuite, la réponse doit intervenir dans un délai de quinze jours maximum. En cas de réponse favorable, la prescription est valable trois mois, période durant laquelle le patient pourra, bien entendu, se rétracter à tout moment », ajoute-t-il. Il précise qu’en cas d’avis défavorable le malade pourra « aller voir une autre équipe médicale » ou « procéder à des recours ».
Même si cet acte peut s’apparenter à une forme de suicide assisté, le président assure avoir voulu éviter ce terme, ou celui d’euthanasie, car le « consentement » du patient est indispensable et « la décision médicale a son rôle à jouer », « avec des critères précis ».
Parallèlement, une stratégie décennale pour renforcer les soins palliatifs sera présentée fin mars, et certaines de ses dispositions seront incluses dans le même projet de loi.
Sur dix ans, « c’est un milliard d’euros de plus que nous allons y investir », en plus du 1,6 milliard d’euros actuellement consacré aux soins d’accompagnement, précise-t-il. Une unité de soins palliatifs verra le jour dans chacun des vingt et un départements qui en sont dépourvus.
Changer la loi sur la fin de vie de 2016, qui admet une « sédation profonde et continue » en cas de souffrances intolérables lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, c’était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron.
Soucieux de ne pas heurter des sensibilités, notamment religieuses, Emmanuel Macron a assumé de « prendre le temps », affichant ses hésitations, organisant une convention citoyenne et multipliant les dîners à l’écoute des sommités de l’éthique, du monde médical et des cultes. « J’ai retenu de ces échanges cette crainte légitime qu’on assigne une valeur à la vie, qu’on laisse entendre qu’il y aurait des vies devenues inutiles. Non, jamais. Je crois que le texte lève les ambiguïtés », dit-il.
« Enfin, la France sort de la valse-hésitation de ces derniers mois », a réagi l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qui salue « un calendrier assez précis ».
Le chef de l’Etat estime, dans l’entretien, que « des milliers de personnes et de familles attendent » cette évolution, mais il reconnaît aussi que cette loi ne pourra pas être « totalement » consensuelle.
« Je ne suis pas naïf », « il y aura des oppositions », voire « des attaques violentes », « et il faudra tenir », insiste-t-il, tout en assurant que « ce cheminement démocratique exemplaire a permis de pacifier le débat ».
Le Monde avec AFP
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