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Christine Angot dans « Le Monde », la puissance littéraire d’une survivante de l’inceste

« J’en ai marre de parler de ça. J’en ai marre que mon travail soit envahi par ça », dit Christine Angot dans Une famille, son premier film, en salle depuis le 20 mars. « Ça », c’est l’inceste et Une famille, un documentaire sur celui qu’elle a subi. Si son premier roman Vu du ciel (Gallimard, 1990) ne retient guère l’attention des critiques littéraires du Monde, Not to be (Gallimard) est salué, le 27 décembre 1991, par Patrick Kéchichian, qui loue cette « sorte de roman de la cruauté » et son écriture « tendue, violente, efficace ». C’est à cette occasion que le nom de l’écrivaine fait son apparition dans le quotidien du soir. Déjà, le journaliste littéraire souligne que la jeune romancière dérange.
Il est souvent question de hurlements et de douleur dans les articles concernant son travail. De sa pièce, Arrêtez, arrêtons, arrête !, Le Monde jugeait qu’il s’agissait d’« une pièce vache. Une menace » (24 juin 1997). « Le livre d’une blessure », décrit Christine Rousseau, le 8 novembre 1997, au moment de la sortie en poche d’Interview (Fayard, 1995). La journaliste écrit aussi, et c’est la première fois qu’il en est question dans Le Monde au sujet de Christine Angot : « Un livre sur l’inceste, que l’on devine rapidement largement autobiographique. »
Son premier portrait paraît le 25 septembre 1998 sous la plume de Josyane Savigneau à l’occasion de la sortie de Sujet Angot (Fayard). « Je ne prétends pas écrire des “récits vrais”, comme Annie Ernaux par exemple. Il y a là un côté confession que je n’aime pas beaucoup », dit Angot, qui à force de puiser dans sa vie passe pour « un peu “folle” » dans le milieu littéraire. « Dès qu’on la voit on sait que non, qu’il s’agit de bien autre chose. De ce mélange de violence et de ­douceur qui fait une vraie force. »
Christine Angot dans Le Monde, ce sont aussi ses textes, qu’elle soumet régulièrement au quotidien. Il y a de longs propos sur la politique, l’écriture et la littérature, des réactions à l’actualité et des reportages détonants. Comme ces huit pages sur un concert de Madonna à Wembley parues dans Le Monde 2 le 19 août 2006 : « Un journaliste du Monde a eu l’idée de m’envoyer à Londres parce qu’il savait que j’aimais les stars. Je n’aime que les stars qui souffrent de s’arracher à elles-mêmes pour servir leur art, leur croyance, leur foi. Ça, il ne le savait pas. Tout le contraire du credo de Madonna, be yourself, être soi-même. »
Christine Angot s’arrache à elle-même pour écrire. Un peu plus encore lorsqu’elle publie L’Inceste (Stock, 1999). « Christine Angot va gagner, prédit Josyane Savigneau le 3 septembre 1999. Parce qu’elle ne risque pas de plaire. Elle va trop vite, trop fort, trop loin (…) Elle n’est pas humaniste, elle a fait exploser le réalisme, la pseudo-littérature consensuelle, provocante ou faussement étrange, pour poser la seule question, la plus dérangeante : quel est le rapport d’un écrivain à la vérité ? » Le Monde salue ensuite chacune de ses publications. Le 15 septembre 2000, Jean-Luc Douin s’interroge toutefois : « Christine Angot a-t-elle basculé dans un narcissisme durassien, ou poursuit-elle courageusement, avec son souffle, sa voix, son haleine et tout son corps dolent, son entreprise (folle, vraiment ?) de mise à nu d’une vérité ? »
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